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Architecture, botanique et sens du contexte

Guillaume Dujon, le cofondateur de l'agence Architectes Singuliers, passionné de botanique, d'architecture nippone et de cyclisme dans les cols alpins, cite la minutie, l'attention au contexte et l'effacement des égos au nombre de ses fondamentaux. Avec une sincérité désarmante.

Par Jacques Paquier.


Au lendemain de notre entretien, passionnant comme d’habitude, dans une des bonnes brasseries du centre de Paris où ce fin gour-met a ses habitudes, Guillaume Dujon renvoie un long mail pour préciser le lien entre sa conception de l’architecture et sa passion pour la botanique ou encore les grands paysages auxquels il aime se confronter lors d’intenses road trips à vélo. Le souci de la précision, l’hyper sensibilité à l’environnement et une vision holistique de son métier, déclinée de la petite échelle jusqu’aux projets de reconversion urbaine, sont l’ADN du cofondateur d’Architectes Singuliers. « Notre fil conducteur est l’insertion urbaine par le paysage, qui nous permet révéler et de ré-enchanter certains sites délaissés », explique t-il.


Les raffinements de l’architecture nippone


Tout chez cet artiste sensible semble relever de la passion, qu’il s’agisse d’architecture japonaise, de petite reine ou de gastronomie. Il évoque à demi-mot le drame personnel qu’a représenté la perte de l’être aimé, victime du Covid, « qui était ma raison d’être ». Mais plus que de sa vie personnelle, c’est bien d’architecture dont il préfère parler. Il se souvient avoir réalisé vers l’âge de 8 ans ses premiers crobars, « un peu ambitieux », admet-il en souriant, par-dessus les propositions publiées dans Var-Matin par les candidats aux élections municipales, pour panser la fermeture des chantiers navals. Au collège, ses parents sont convoqués par la professeure d’arts plastiques qui les exhorte à considérer la fibre artistique de leur fils, autant que ses capacités en mathématiques vers lesquelles ils trouvent plus sérieux de l’orienter. Lui-même prendra du temps avant de se consacrer à l’architecture, après des premières études en école de commerce et une hyperactivité créatrice pas encore canalisée. À l’école d’architecture de La Villette, il se souvient d’avoir fui les cours d’un premier professeur jugé trop désinvolte pour celui d’un théoricien autrement exigeant, Yann Nussaume, qui l’ouvre notamment aux raffinements de l’architecture nippone. Il passera deux ans au Japon, dont un an de fin d’études, suivi d’un an de stage chez les plus grands, comme l’architecte de la gare Saint-Denis Pleyel Kengo Kuma.


Le principe de densité maîtrisée


De retour au Japon au printemps dernier pour un voyage d’études, il profite de son périple de 1 500 kilo- mètres à vélo pour faire un détour par la ville d’Ise et admirer le sanctuaire le plus sacré de la religion shintō, « un modèle de pureté et d’élégance par la sobriété », puis revoir avec nostalgie un vaste bâti- ment du quartier de Shibuya, projet hyper imbriqué si caractéristique de Tokyo et doté d’un jardin sus- pendu, dont il avait participé à la conception il y a 15 ans. Dans ses créations, Guillaume Dujon s’inspire du rapport intime qu’entretient l’architecture japonaise avec son environnement naturel et de la sagesse des modes constructifs traditionnels, autant que de son aisance à combiner de multiples usages.Première réalisation significative d’Architectes Singuliers, le projet de 420 logements sur la ZAC de la Cartoucherie à Toulouse, conçus en 2015, joue l’imbrication de trois émergences sur la place, complétées par des percées végétalisées, pour insuffler une perception favorable à l’échelle du piéton. « La ville de Toulouse nous fait régulièrement l’honneur de citer cette réalisation pour illustrer le principe de densité maîtrisée », confie t-il.


Une architecture vertueuse et post-carbone


« Le projet de logements actuellement en chantier dans le 12e arrondissement de Paris pour in’li me tient également très à cœur, car c’est un projet en pierre semi-porteuse extraite des carrières d’Île-de- France. Ce mode constructif illustre la méticulosité que nous consacrons aux projets ainsi que notre engagement aux côtés de nos maîtres d’ouvrage, au service d’une architecture vertueuse et post-carbone », poursuit-t-il.


Celui qui a œuvré notamment au sein de l’agence Brenac & Gonzalez a créé sa propre agence en 2014 avec son associé Matthieu Hackenheimer, dont il cite à plusieurs reprises les qualités ainsi que leur parfaite symbiose. Cette complémentarité leur permet de porter un engagement écologique apaisé, « compa- tible avec les contraintes globales, en pesant le juste rapport effort-effet des techniques que nous mettons en œuvre dans nos projets ».

Dans leur atelier de Paris Centre, à deux pas de la Bourse de Commerce, aux grands panneaux boisés, les mots reviennent comme des leitmotivs : humilité, minutie, agilité, attention au contexte. Il s’agit d’atteindre un objectif sans cesse réaffirmé : la qualité d’usage, l’intégration visuelle et le bonheur d’habiter.

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