Directeur de Choose Paris Region, Lionel Grotto fait le point sur l’attractivité de la région Île-de-France, en tant que place financière, et souligne le regain d’intérêt des investisseurs étrangers en sa faveur, en particulier depuis le Brexit et la Coupe du monde de rugby. Tout en insistant sur la nécessité de rester vigilant et de miser sur d’autres secteurs compétitifs de la région capitale.
Propos recueillis par Catherine Bernard.
Comment l’attractivité de la Région Capitale évolue-t-elle ?
En termes quantitatifs, le nombre de projets d’investissements internationaux est, depuis 6 ans, relativement stable, oscillant entre 330 et 430 par an. En matière d’emplois créés en revanche, nous notons une progression importante : en 2018,nous en dénombrions 6 300 ; nous franchissons désormais régulièrement la barre des 10 000 créations annuelles, avec un pic historique à 11 200 emplois promis en 2023. La dynamique se poursuit donc, démontrant une grande résilience de la région qui, pour la première fois en 2022, a dépassé Londres en nombre de projets d’investissement.
Vous évoquez Londres. Paris a-t-elle réussi à se positionner en tant que place financière à l’issuedu Brexit ?
Les effets du Brexit n’ont pas été immédiats et se sont produits lors de phases différentes. Dans un premier temps, Francfort a souvent été citée comme une alternative à Londres et un mouvement s’est initié dans cette direction. Mais certains salariés de grandes banques se sont montrés réticents et la France a, par ailleurs, mis en place un guichet unique et des mesures fiscales et sociales plus favorables. De notre côté, nous sommes intervenus à la fois pour fluidifier les aspects fonciers, accompagner les politiques de recrutement et pour que les nouveaux venus s’intègrent bien à leur écosystème local.Nous avons pour ce faire organisé entre autres des clubs, des événements, des mises en relation. Beaucoup d’acteurs avaient envie de venir à Paris, ces actions ont permis de répondre à ce désir.Au final, l’Île-de-France occupe la première place en Europe pour le nombre d’emplois relocalisés après le Brexit. Selon notre observatoire, au31 décembre 2023, 235 projets ont été gagnés pour l’Île-de-France, en lien avec le Brexit, représentant7 814 emplois : 77 % dans la banque, 12 % dans les activités de services et conseil. On peut citer les grandes banques américaines, mais aussi d’autres institutions financières du reste du monde, comme la britannique Barclays, sur un plan plus institutionnel l’Autorité bancaire européenne ainsi que des acteurs canadiens, australiens ou encore une banque nigériane.
Quels effets ces investissements ont-ils sur la place financière francilienne ?
En acquérant d’importants actifs immobiliers en plein cœur de la Capitale, ces institutions ont fait de Paris une vitrine. Elles continuent maintenant de grandir, procèdent à des recrutements importants et annoncent même, pour certaines, la constitution d’équipes de recherche. Existent cependant des sujets de vigilance : certes, aucune autre ville en Europe que Paris n’a la capacité de remplacer Londres, mais le régime des impatriés – d’une durée de 8 ans – mis en place à l’occasion du Brexit arrive, pour les premiers venus, à son terme. Nous avons aussi en France des contributions sociales sur les hauts revenus élevées, sans commune mesure avec ce que proposent, par exemple, l’Espagne ou l’Italie. Il convient donc de veiller à conserver des mesures en faveur de l’attractivité pour garder les salariés
de ces banques.
Plus largement, vous notez l’arrivée de nouveaux pays investisseurs. Lesquels ?
Effectivement, l’attractivité francilienne a pris une dimension un peu différente ces dernières années. Paris a toujours été une grande capitale mondiale, mais nous notons depuis le Brexit, et plus encore depuis la récente Coupe du monde de rugby, une diversification des pays qui y investissent. Ainsi, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sudet l’Amérique latine, dont le Mexique, font partie des nouveaux investisseurs. Nous enregistrons également des projets venus du Japon, de Coréedu Sud et d’Inde : les investissements ne sont pas nécessairement nombreux, mais ils sont en général importants et issus de sociétés très solides. L’Europe du Nord – et notamment la Suède – compte aussi pour nous, car s’y trouvent des entreprises intéressantes dans les domaines des mobilités et de l’énergie par exemple.
Comment expliquez-vous ce nouvel intérêt ?
C’est une rencontre entre un besoin de leur partde venir en Europe et une action volontariste de notre côté. Ainsi, la National Australia Bank, la plus grande banque australienne, a choisi Paris comme hub européen, il y a deux ans, et ceci a engagé un cercle vertueux. Valérie Pécresse s’est rendue en 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande, et des partenariats noués au plus haut niveau ont joué un rôle d’accélérateur. Nous sommes ensuite, en tant que Choose Paris Region, retournés sur place pour poursuivre ce travail. Enfin, nous avons utilisé la Coupe du monde de rugby pour faire venir des entreprises. Un autre exemple est l’Inde, où nous venons d’ouvrir un bureau à Mumbai. Cela fait suite, également, à un déplacement des responsables politiques franciliens, sous l’impulsion de Valérie Pécresse, dans ce pays où beaucoup de secteurs – l’intelligence artificielle, le spatial, le médical, etc. – nous intéressent.
Dans quels secteurs, outre la finance, cherchez-vous des projets internationaux ?
Notre démarche est d’identifier les sujets essentiels qui permettront à la Région Capitale de faire face à ses défis. Parmi ceux-ci se trouve tout ce qui concerne la construction durable, par exemple la construction hors-site, ou les mobilités. Souvent, cela passe par la transformation de fonciers industriels existants ; nous sommes donc en veille active des évolutions de ces fonciers. Nous devons réfléchir aux industries sur lesquelles nous pouvons être compétitifs, comme l’aéronautique, l’aérospatial, la cosmétique, la santé. Bien entendu, nous sommes aussi très présents dans la deeptech, l’intelligence artificielle ou le quantique. Enfin, le tourisme reste une classe d’actifs attractive. Notons ainsi les implantations de H-Hotels.com à Saint-Denis Pleyel et d’EasyHotel à Aubervilliers (Seine-Saint- Denis) ou encore des plateformes de location comme Apartool (Espagne) ou Fairbnb.coop (Italie). La fusion récente entre le Comité régional du tourisme et Choose Paris Region nous permet désormais d’avoir toutes les cartes en main pour générer un impact maximal sur ce secteur du tourisme.
Comments