Par Vianney Delourme, cofondateur et président d’Enlarge your Paris, média et agence culturels grands parisiens.
Le temps des tunneliers s’achève - quinze ans après le lancement du Grand Paris Express. En juin, avec le prolongement des lignes 11 et 14, nous sommes entrés de plein pied dans une décennie d’ouvertures et d’inaugurations. Elles vont désormais ponctuer le calendrier des territoires grand-parisiens. Le GPE entre dans une phase moins spectaculaire que celle du génie civil, mais non moins fondamentale. Ce sera le temps de la transformation urbaine, de l'appropriation par les habitants, par les acteurs sociaux, politiques, culturels et économiques, de ce projet d'une ampleur unique.
On travaillera aussi bien à l’échelle globale qu’à l’échelon local, à organiser le rabattement cycliste et le stationnement des bus, à la place des piétons et à la réduction des îlots de chaleur dans les quartiers de gare. À l’accessibilité universelle. Après les "années tunneliers" (2015/2024), ce seront celles de la mobilité du quotidien et du renouvellement urbain. Autant de sujets qui feront le succès de l’infrastructure. Rappelons-nous aussi que le passe Navigo dézoné n’a que 10 ans, et que l’ouverture progressive des lignes du GPE va augmenter la puissance des transports en commun franciliens, pas "uniquement" parce que ce sont des kilomètres de lignes en plus, mais parce que ce sont des kilomètres de nouvelles voies qui interconnectent des kilomètres de voies déjà existantes, démultipliant l’effet réseau. Une révolution aux effets sans doute sous-estimés.
Gare Villejuif - Gustave Roussy.
Un autre élément fait que le GPE est un projet d’une ampleur unique : il va durer le temps d'une génération. Ceux qui sont nés en 2010 auront bientôt 15 ans. Ils finiront leurs études supérieures à la fin de la livraison de la 15 Est et de la 17, sans doute pendant les travaux de la 18 Nord. C’est une génération qui va grandir et vivre dans un territoire complètement nouveau, à la fois en termes d’usage mais aussi de perception. Et c'est aussi cela qu'il faut accompagner. Anticiper. Imaginer.
Avec le GPE, les anciennes barrières entre l’intra et l’extra-muros vont aussi exploser. La ligne 15 sera l’anti-périph’. Au XIXe siècle, Paris avait annexé une partie de sa périphérie. Aujourd'hui, l'heure n'est plus à l'annexion, mais à la connexion et à la réparation. Seulement, quand on casse les barrières entre des territoires, il faut les remplacer par des liens physiques (comme le GPE) mais aussi culturels et symboliques. Ne serait-ce que pour répondre aux grands défis des quartiers populaires.
À partir de 2025, nous allons voir s’accomplir ou s’amplifier les engagements d’une génération de décideurs publics et privés qui ont organisé la révolution grand-parisienne. Mais la moisson se fera sous des auspices un peu différents de ceux imaginés il y a 15 ans. Les années 2020 sont en effet celles du dérèglement climatique et de la crise d’un modèle urbain qui, depuis la crise du Covid, semble sérieusement manquer de souffle.
Comment ferons-nous pour articuler ces deux époques, les réalisations de l’une et les défis de l’autre ? Le GPE va y contribuer puissamment, à la fois comme réseau de transport décarboné et comme projet urbain, culturel et architectural. Mais il faudra aussi composer un imaginaire collectif puissant, pour que tous se sentent embarqués dans la révolution du Grand Paris. Pour qu’émerge et s’affirme la « génération Grand Paris ».
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