Le directeur régional Île-de-France de la Banque des Territoires, Richard Curnier, décrit les orientations qui sont au cœur de la stratégie de la filiale de la Caisse des Dépôts. Il revient ainsi sur la crise de l’immobilier et du logement social, les atouts de la géothermie, l’investissement du groupe dans le développement économique des quartiers et dans le domaine de la santé, et certains projets déjà réalisés, en cours ou à venir.
Propos recueillis par Jacques Paquier.
Quelles sont les priorités de la Banque des Territoires en Île-de-France ?
La Banque des Territoires a deux axes stratégiques principaux : la cohésion sociale et territoriale d’une part, et la transition écologique et énergétique d’autre part. Une de nos premières missions, majeure, c’est accompagner le développement du logement social. Je rappellerai qu’en Île-de- France, 700 000 personnes figurent sur des listes d’attente pour obtenir un logement social et que l’on compte par ailleurs 1,2 million de mal-logés. En tant que financeur du logement social, c’est pour nous une priorité. Cela suppose d’accompagner les bailleurs sociaux, de leur fournir des financements adaptés à leurs besoins, cela passe également par l’accompagnement du développement des offices HLM. Dans le contexte de crise immobilière que nous connaissons, nous jouons à plein notre fonction contracyclique.
Pourquoi le financement de la production d’énergie constitue-t-il aussi une de vos priorités ?
J’aime à rappeler que 90 % de l’énergie consommée en Île-de-France est importée. Cela alors que nous avons sous nos pieds une énergie quasiment gratuite, renouvelable et décarbonée : je veux parler de la géothermie, dont le développement représente également un de nos axes stratégiques prioritaires. Il faut aussi rappeler que la géothermie constitue une énergie bon marché, qui ne dépend pas des cours du gaz ou du pétrole. Nous finançons donc de nombreux projets dans ce domaine. Je citerai par exemple la Société d’exploitation des énergies renouvelables (SEER) de Grigny ou les projets que nous finançons également au Pré-Saint-Gervais ou à Rueil-Malmaison.
Quelle est la nature de votre intervention dans les quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville ?
Nous sommes très engagés dans le développement économique des quartiers. Il faut savoir que l’Île-de- France compte aujourd’hui 270 quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville, situés dans tous les départements, alors que dans d’autres métropoles, ils se concentrent davantage. Nous œuvrons avec les bailleurs sociaux, en finançant par exemple les travaux de réhabilitation, de requalification des immeubles. Nous soutenons également de nombreux projets qui visent à favoriser le développement économique dans ces quartiers, à y créer des activités et des emplois, qu’il s’agisse d’artisanat ou de logistique du dernier kilomètre.
Pourquoi intervenez-vous également de plus en plus dans le domaine de la santé ?
L’Île-de-France est le premier désert médical français. Nous travaillons par conséquent surla santé, le vieillissement, le grand âge. Nous réfléchissons avec nos partenaires aux moyens de maintenir les seniors chez eux, en adaptant leur logement, en développant les services à domicile. Nous étudions de nouvelles solutions de viager intergénérationnel. Nous finançons par ailleurs la réhabilitation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
La future usine de clarifloculation d’Achères (78), dont la Banque des Territoires participe au financement.
Quel regard portez-vous sur la crise de l’immobilier qui dure et sur les voies pour en sortir ?
Les comptes de tiers gérés par les notaires, dont la Caisse des Dépôts est gestionnaire depuis sa création, constituent un bon indicateur de l’activité de l’immobilier. Il y a deux ans, en juin, ces dépôts s’élevaient à 12 milliards d’euros, contre seulement 8,5 milliards d’euros en juin 2024. Cela reflète à la fois la baisse du volume et celle du montant des transactions. Le calendrier politique, avec la perspective des municipales, en 2026, qui ralentissent considérablement l’avancée des projets, suivies des présidentielles, en 2027, dans un contexte plus que jamais incertain, va générer une complexité supplémentaire.
Les taux d’intérêt sont-ils orientés à la baisse ?
La baisse des taux directeurs décidée en juin dernier par la Banque centrale peut provoquer une reprise des transactions dans l’ancien.Pour le neuf, la machine semble durablement grippée. CDC Habitat, filiale de la Caisse des Dépôts, a été recapitalisée et a contribué largement à atténuer les effets de la crise, acquérant en vente en l’état futur d’achèvement (Vefa) auprès des promoteurs un certain nombre de programmes. Action Logement a fait la même chose. La crise de l’immobilier pénalise les recettes des collectivités territoriales, dont une part provient des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Les collectivités locales empruntent de plus en plus sur des durées de long terme.
Quelles sont vos opérations emblématiques passées, en cours ou à venir ?
Je citerai l’Abbaye des Vaux de Cernay, dans la vallée de Chevreuse (Yvelines), où nous avons transformé un complexe hôtelier en resort haut de gamme avec Keys REIM. L’enjeu était de favoriser la création d’emplois à 1 heure de Paris. Nous avons également achevé la construction du Village olympique, que nous avons récupéré à l’issue des Jeux olympiqueset paralympiques, pour le transformer et lui donner sa configuration finale.Les travaux vont durer un an avant que ces appartements soient remis sur le marché. On y dénombre 650 logements, dont une partie sera prise en charge par CDC Habitat et Adoma, et une autre partie sera dédiée à des locaux d’activité, un social club et des bureaux. C’est un projet exemplaire des savoir-faire du groupe Caisse des Dépôts, à la fois
en termes de mixité et de performance énergétique, avec un large usage du bois, une série d’innovations qui ont fait l’objet de plusieurs Atex (appréciation technique d’expérimentation). Banque des Territoire, CDC Habitat, CDC Biodiversité, Adoma et Icade ont contribué ensemble à cette réussite. Nous travaillons aussi à un projet lié à la Cité du cinéma. Par ailleurs, nous accompagnons le SIAAP dans la transformation de ses usines d’assainissement des eaux usées et finançons un plan de rénovation thermique des écoles. Notre objectif est d’atteindre la rénovation thermique de 3 000 écoles franciliennes à l’horizon 2027. Une première école de ce plan a été rénovée à Villetaneuse en Seine-Saint- Denis. La finalité est d’offrir aux élèves un bon niveau de confort thermique en hiver comme en été.
Établissement Public Campinois de Géothermie à Champigny-sur-Marne, en partie financé par La Banque des Territoires.
Quels sont vos projets avec la Métropole du Grand Paris ?
Ils sont nombreux. Nous sommes notamment partenaires de la foncière commerciale, créée récemment pour acquérir et assurer le portage de cellules commerciales en centre-ville. Nous sommes en train de créer une société avec Grand Paris Aménagement, baptisée Terra Éco, dont l’objectif est de porter le foncier industriel qui ne sera plus cédé mais loué à ses utilisateurs.
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