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Le bureau francilien fait cap sur demain

Entre suroffre, fragmentation, obsolescence et mutation de la valeur travail, l'immobilier de bureau entre dans une intense période de transition. Un défi qui inquiète autant qu'il inspire les acteurs franciliens.

Par Elena Jeudy-Ballini.



Les spécialistes l’assurent, on a toujours besoin du bureau. Mais de quel bureau parle-t-on ? Alors que l’immobilier tertiaire accuse d’importantes disparités géographiques (les locaux situés à Paris intra-muros et dans l’ouest parisien demeurant les plus plébiscités), on assiste également à une fragmentation entre les immeubles de première et de seconde mains, les vertueux et les passoires thermiques, ceux adaptés

ou non au télétravail... Dans le même temps, le stock de bureaux obsolètes commence à peser lourd dans la Région Capitale. Le volume de bureaux concernés par une vacance durable d’au moins deux années consécutives avoisinerait en effet 1,1 million de mètres carrés. « Sur cette offre, 39 % se situent en deuxième couronne, 25 % dans le secteur péri-Défense et 13 % en première couronne nord (Clichy, Saint-Ouen, Aubervilliers, etc.). Le reste se répartit entre les différents secteurs tertiaires franciliens », constate David Bourla, directeur des études chez Knight Frank France. En cause, notamment, le retour à la centralité parisienne, l’obsolescence du bâti, la généralisation du télétravail et celle du flex office, que de nombreuses entreprises franciliennes perçoivent comme une occasion d’optimiser leur immobilier.


Le nouveau siège européen de Covivio implanté dans le 8ème arrondissement.

Transformer les actifs obsolètes


Alors, face à ce constat, que faire du bâti inutilisable ? « La demande des entreprises faiblit dans de nombreuses villes et les valeurs vénales plongent. Un rétrécissement assez net du marché des bureaux est à prévoir et les réflexions deviennent donc de plus en plus marquées sur la nécessité de transformer les actifs », poursuit David Bourla.

Des transformations qui, pour certaines, impliquent une reconversion du bureau vers d’autres usages. En Île-de-France, cette démarche avance lentement, mais sûrement. Sans grande surprise, Paris intra- muros concentre une part plutôt modeste des opérations menées depuis 2019 (18 %) du fait d’une très faible vacance, tandis que La Défense et le croissant ouest en représentent plus du quart (28 %) et le reste de la première couronne près du tiers (29 %).

À l’heure où l’artificialisation de nouveaux sols et l’étalement urbain sont autant d’éléments que les nouvelles réglementations visent à réduire, le contexte semble donc particulièrement favorable à l’essor de la reconversion des bureaux vides, qui présente aussi de nombreux avantages en faveur du verdissement du parc immobilier (amélioration du bilan carbone, mise à niveau en matière énergétique...). Le nouveau siège européen de Covivio, L’Atelier, implanté dans le 8e arrondissement, est à ce titre exemplaire. Cet ancien central téléphonique, occupé par Orange jusqu’en 2021, a été intégralement réhabilité par Studios Architecture et adapté au nouvel usage du bureau qui reprend les codes de l’hôtellerie et du résidentiel, avec salles de sport, restaurant et de généreux accès extérieurs. Ce nouveau siège n’est toutefois pas considéré uniquement comme un lieu de travail : « L’Atelier représente aussi la vitrine de nos savoir-faire et de nos expertises », fait valoir Christophe Kullmann, directeur général de Covivio.


Absorber les bureaux en trop,adapter les autres


« La mutualisation des espaces de bureau est acquise », considère par ailleurs Astrid Weill, directrice générale de Groupama Immobilier. « Aujourd’hui, on partage l’espace avec les autres collaborateurs, chacun s’organise. Mais quand les commerciaux sont en clientèle, les collaborateurs en RTT ou en réunion, les bureaux restent inutilisés. 20 % des 56 millions de mètres carrés de bureaux en Île-de-France seraient en trop, soit 11 millions de mètres carrés. Il faut faire de l’asset management sur les bons bureaux. Les mauvais sont beaucoup trop nombreux. »Dans ce contexte, La Défense semble continuer à tirer son épingle du jeu.« Le quartier d’affaires est si bien localisé qu’il finit toujours par se remplir, observe la directrice générale de Groupama Immobilier. On a construit La Défense en 10 ans, aussi tout est forcément obsolète 40 ans après. Nous nous trouvons donc dans une phase de reconstruction, mais je ne suis pas inquiète. »


En revanche, il faudrait se résigner à laisser d’autres bâtiments « mourir », faute d’un intérêt en matière de reconversion. Ou, à défaut, accepter des pertes : certains édifices de grande couronne peu attractifs et au faible potentiel de valorisation devraient ainsi voir leur valeur annulée pour garantir un équilibre finan- cier à leur opération de transformation. « L’équation économique est très difficile à faire fonctionner sans passer par zéro », souligne Astrid Weill.


Travailler, mais pas seulement


Cependant, la conception des espaces de demain, répondant aux besoins de leurs occupants actuels et futurs, ne devra pas se faire au détriment de l’esthétique. Pour l’architecte Corinne Vezzoni, « cette dimension participe de la concurrence des grandes métropoles. Aseptiser la ville n’est pas une solution et les bâtiments doivent garder des caractéristiques propres ».

Un challenge particulier est donc à relever, d’autant que l’immeuble de bureaux ne constitue plus seulement un outil de transmission, mais est aussi un instrument d’attractivité des parties prenantes. « L’employé doit être fier de son immeuble », estime le directeur général d’OFI Invest Real Estate Sébastien Chemouny. Les caractéristiques de l’espace de travail entreraient en effet de plus en plus dans le processus de décision des employés quant au choix de travailler pour telle ou telle entreprise.

Le dernier baromètre Paris Workplace, réalisé par la Société foncière lyonnaise et l’Ifop, révèle que, pour 39 % des salariés franciliens interrogés, le bureau du futur offrira une accessibilité 24 h/24 toute la semaine et permettra de suspendre sa journée de travail pour réaliser une activité d’ordre personnel. Dans le même temps, pour près de 80 % des sondés, la possibilité de télétravailler constitue un critère au moment de choisir un poste. « S’en sortiront les bureaux qui auront pris le virage de l’acceptation de différents flux économiques, seront en mesure d’embarquer beaucoup de services dans leurs immeubles et se montreront capables d’offrir une flexibilité de contrats à des entreprises », conclut Matthieu Nicoletti, directeur du développement à Comet Meetings.

L'espace de travail devient un critère de décision quant au choix de travailler pour telle ou telle entreprise.

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