GRÂCE À SON RÉSEAU DE MÉTROS AUTOMATIQUES, LA RÉGION PARISIENNE VA POUVOIR ASSOCIER DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE SANS OUBLIER SES QUARTIERS DIFFICILES.
PAR DOMINIQUE MALÉCOT.
L’activité économique de la région parisienne n’a évidemment pas été épargnée par la crise sanitaire mondiale. Au mois de mai dernier, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris Île-de-France évoquait encore « un coup de frein d’une ampleur inédite en 2020 » ainsi qu’une reprise perturbée par les aléas sanitaires et encore plus indécise « depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine ». De fait, le trafic de Paris Aéroport demeurait en avril dernier inférieur de 26,6 % à celui d’avril 2019 et le taux de chômage de l’Île-de-France avait rattrapé celui de la France métropolitaine, traditionnellement plus élevé. Cependant, après une baisse en 2020, le niveau de l’emploi privé dépassait celui de fin 2019 mais progressait moins qu’au niveau national. Malgré tout, le chantier du Grand Paris Express, qui avait été interrompu quelques semaines en 2020 par le confinement, s’est poursuivi avec une rare détermination sans qu’il soit pour autant envisageable de rattraper ce nouveau retard. Déjà très hypothétique, l’ouverture du tronçon commun des lignes 16 et 17 pour atteindre Le Bourget où sera installé le centre des Médias des Jeux Olympiques de 2024 ne sera pas possible. Le calendrier du prolongement sud, jusqu’à l’aéroport d’Orly, de l’actuelle ligne 14 du métro parisien, appelée à devenir l’épine dorsale nord-sud du futur réseau, peut sembler, lui aussi, encore très serré. Le Grand Paris Express n’est, de toute façon, pas fait que pour cela. Et c’est heureux, car on n’investit pas 36 milliards d’euros dans un réseau de 200 kilomètres de long pour une manifestation sportive, aussi prestigieuse soit-elle ! D’autant que des épreuves sont prévues en régions, loin de Paris et son métro, la médaille d’or de la distance revenant à Tahiti qui accueillera les épreuves olympiques de surf.
« RECRÉER DU LIEN SOCIAL ET FAIRE ENTRER DE PLAIN-PIED LES COMMUNES CONCERNÉES DANS LE MONDE DES VILLES AGRÉABLES À VIVRE... »
Un réseau maillé pour n’oublier personne
L’ambition que portent les quatre nouvelles lignes de métro automatique du Grand Paris Express, 15,16, 17 et 18, et les prolongements de la 14 est beaucoup plus large. Il s’agit de doter, à l’horizon 2030, la banlieue de 68 gares supplémentaires, dont 80 % en correspondance avec les réseaux existants, pour désenclaver des quartiers dépourvus de moyens de transports en commun efficaces. Surtout, 42 de ces nouvelles gares desserviront des quartiers particulièrement défavorisés classés « Politique de la Ville ». La construction de ces gares s’accompagne d’un programme colossal de renouvellement urbain avec la construction de 70 000 logements par an dont certains sont déjà sortis de terre. Pour une bonne part, ils sont localisés autour des nouvelles gares.
Ces aménagements, concertés avec les élus locaux dès le début du projet, doivent permettre de recréer du lien social et de faire entrer de plain-pied les communes concernées dans le monde des villes agréables à vivre mais aussi particulièrement respectueuses de l’environnement. On peut y voir l’application à grande échelle des techniques développées jusque-là dans les écoquartiers, notamment pour réduire la consommation d’énergie, les émissions de CO2 et le réchauffement climatique tout en développant le « vivre ensemble ». Cela sans négliger la qualité du cadre de vie et le développement d’activités économiques. Des amendements, votés en mai 2022, à la loi de 2010 sur le Grand Paris, permettent de clarifier les périmètres d’intervention de la Société du Grand Paris dans ce domaine, notamment sur les territoires défavorisés.
Une « green region »...
Le métro automatique joue évidemment un rôle clé dans cette perspective environnementale en permettant aux habitants de se déplacer en transports en commun basse émission beaucoup plus facilement qu’avec les services actuels aux possibilités souvent très limitées. Ce réseau de transports doit en fait structurer le cœur de la région parisienne en la faisant entrer dans l’ère du développement durable. Il doit aussi permettre de rationaliser la construction d’équipements administratifs, sportifs, culturels ou d’enseignement et de formation. Grâce à la fiabilité et à la rapidité des trajets, il deviendra possible de mutualiser, par exemple, un stade, un théâtre ou un musée entre plusieurs communes. Parallèlement, ce réseau est le moyen de rapprocher les banlieusards de l’emploi et, pour les entreprises, d’accéder à une main d’œuvre qualifiée ou susceptible de l’être. Car, outre sa finalité environnementale et sociale, le Grand Paris est un projet de développement économique qui doit permettre à Paris de rester dans le club très fermé des quatre ou cinq « villes-mondes » qui pilotent l’économie mondiale.
… à l’échelle de la planète
Comme, Londres, New York, Tokyo ou Singapour, Paris concentre une quantité de centres de décision, d’établissements financiers, de laboratoires de recherche, de sièges de grandes entreprises et exerce une activité culturelle sans commune mesure avec sa taille. Des villes beaucoup plus peuplées ne disposent pas d’autant de connections à l’échelle de la planète que ces cinq villes-mondes.
Encore davantage qu’en 2010, il s’agit d’un atout considérable dans un contexte de tensions et d’instabilité, qu’elles soient sanitaires, alimentaires du fait du dérèglement climatique ou politiques, certains États pouvant être déstabilisés par des famines.
Dans ces conditions, l’idée incarnée en 2010 par Christian Blanc, alors secrétaire d’État chargé du développement de la Région Capitale, est plus que jamais d’actualité. Schématiquement, il s’agissait d’associer recherche, enseignement supérieur et entreprises pour susciter l’excellence de certains territoires d’Île-de-France, dans le tourisme, le tourisme d’affaires, l’aéronautique, le transport de fret, le luxe, les technologies de l’information et de la communication, la ville durable, la finance ou encore le droit (essentiel à toute activité économique). En fait, créer de véritables « clusters » comme on en trouve aux États-Unis dans la Silicon Valley ou comme en a suscité le Massachusetts Institute of Technology (MIT). L’originalité de la démarche française est de permettre la création de « clusters de clusters » grâce au métro du Grand Paris qui facilitera à terme les échanges et les complémentarités entre les différents secteurs d’activités en évitant l’écueil d’organisations linéaires qui figent les partenariats et rendent difficile toute adaptation rapide à de nouvelles conditions économiques ou industrielles. À l’heure où la mondialisation est jugée excessive, c’est encore un atout.
Enfin, outre le fait que l’Île-de-France, avec 18 % de la population française, assure près de 30 % du PIB national - la différence profitant aux autres régions -, les études économiques réalisées dans le cadre du projet de métro ont conclu qu’au cas où il n’apporterait rien aux autres régions, il ne leur enlèverait rien.
« LE GRAND PARIS EST UN PROJET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE QUI DOIT PERMETTRE À PARIS DE RESTER DANS LE CLUB TRÈS FERMÉ DES QUATRE OU CINQ “VILLES-MONDES” QUI PILOTENT L’ÉCONOMIE MONDIALE. »
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