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Les chantiers du Grand Paris, un "accélérateur" et une "vitrine" pour les entreprises de la construction et du transport

Les chantiers du Grand Paris, et notamment du Grand Paris Express, ont permis aux entreprises impliquées de développer des innovations et des compétences singulières qu'elles peuvent réutiliser partout en France.


La transformation de la métropole du Grand Paris s’accélère avec l’inauguration des prolongements des lignes 11 et 14 du métro en juin 2024. Ces premiers événements traduisent concrètement les changements à l’œuvre dans la Région Capitale sous l’effet notamment du Grand Paris Express. D’ici 2030, les 200 kilomètres de lignes et les 68 nouvelles gares et leurs quartiers devraient être opérationnels, laissant derrière eux une dizaine d’années de chantiers et de défis pour les bâtisseurs.


Nicolas et Anne Prunières ont repris l'entreprise familiale Prunières TP en 2012. Celle-ci dispose de 120 camions en Île-de-France, répartis dans 3 dépôts situés en Seine-et-Marne, en Essonne et dans le Val-d'Oise.


Ces multiples travaux titanesques ont été menés par différents acteurs de la construction en lien avec la Société des Grands Projets, nommée jusqu’en 2023 Société du Grand Paris (SGP). « Il y a une dynamique jamais vue avec les sujets portés par la SGP », s’enthousiasme Jérôme Martres, directeur développement et commercial chez Eiffage Génie Civil, qui qualifie même le projet du Grand Paris Express de « monstrueux », que l’on ne « voit pas ailleurs en France ». C’est pour participer à ces projets que Anne et Nicolas Prunières ont ouvert une agence en Île-de- France et créé une nouvelle marque de leur entre- prise Prunières baptisée « Paname », en partenariat avec des marques françaises comme Michelin et Renault Trucks. Au moment où ils reprennent l’entreprise familiale en 2016, Prunières est basée à Poussan (Hérault), à 30 kilomètres de Montpellier. « Nous souhaitions devenir un pur player de la loca- tion de camions et d’engins avec chauffeur au service des majors, ETI et PME des travaux publics en France. Il fallait trouver des relais de croissance et des projets à fort impact. Construire le Grand Paris représentait des opportunités uniques pour les entre- prises de toute la France », explique Nicolas Prunières depuis son bureau d’Issy-les-Moulineaux (Hauts- de-Seine).


Innovation stimulée


Une chance, mais aussi une « vitrine » de son savoir- faire, comme l’explique Hervé Di Rosa, directeur du développement chez VINCI Construction. « Construire 200 kilomètres de tunnels dans une aire urbaine comme le Grand Paris, c’est unique. Ça s’est fait dans un temps record et ça a permis de pousser énormément d’innovations », se réjouit-il. Chacun des acteurs impliqués sur les chantiers grands- parisiens a développé de nouvelles méthodes de tra- vail et de nouveaux produits. VINCI Construction a, notamment, lancé Exegy, une marque de béton bas carbone et ultra bas carbone qui a été mise en œuvre dans la fabrication des voussoirs pour les tunnels du Grand Paris Express.


Ces chantiers souterrains ont également permis à Eiffage de breveter un procédé permettant de limiter le temps passé à caractériser les matériaux extraits via les tunneliers. « Grâce au travail de notre laboratoire et de notre service innovations, nous allons trois fois plus vite pour caractériser les matériaux », note Jérôme Martres. Une pratique qui permet de régler la question du stockage de ces matériaux puisqu’à « Paris, nous n’avons pas de capacité de stockage » et qui limite les flux logistiques. « Pour nous, le Grand Paris est un laboratoire. L’expérience de gestion de ces chantiers en milieux urbains nous permet de diffuser notre savoir-faire au niveau national », confirme le directeur développement et commercial.


Sur le plan opérationnel, Prunières a aussi beaucoup appris sur les chantiers du Grand Paris Express. S’il devait n’en retenir qu’un exemple, son dirigeant citerait « les bennes étanches pour éviter de salir les routes ». Une pratique essentielle pour transporter les matériaux (boue de marinage) extraits des sous- sols dans un environnement urbain exigeant. Globa- lement, les marchés passés par la Société du Grand Paris ont permis « aux entreprises de se sublimer », assure Hervé Di Rosa. « La SGP est l’un des premiers maîtres d’ouvrage en France à inclure une incitation financière symbolique en cas d’amélioration du bilan carbone des chantiers. C’est exceptionnel et essentiel pour pousser l’innovation et permettre aux entreprises de sortir de leurs habitudes et s’améliorer », loue-t-il.


Opératon de Vinci Construction à Drancy.


"Je pense aux associations que nous avons pu accompagner et à l'aide au retour à l'emploi grâce en particulier à l'insertion sociale sur les chantiers"

Hervé di Rosa, directeur du développement chez VINCI Construction.


Retombées sociétales


Au-delà des retombées technologiques pour les entreprises, les acteurs interrogés soulignent aussi « les retombées sociétales ». « Je pense aux associations que nous avons pu accompagner et à l’aide au retour à l’emploi grâce en particulier à l’insertion sociale sur les chantiers. Si, à la fin, nous avons participé pour certaines personnes au retour vers l’emploi durable et que l’on en a fait des ouvriers qualifiés capables de travailler sur d’autres opérations, c’est un succès », affirme Hervé Di Rosa. Chez Prunières, qui compte aujourd’hui 120 camions en Île-de-France, les chauffeurs ne sont pas tous Fran- ciliens. « Nous avions lancé un recrutement en Lozère, en Aveyron et dans le Cantal », précise Nicolas Prunières. Ce schéma a permis « à pas mal de jeunes des régions rurales d’avoir des revenus supérieurs à ce qu’ils auraient pu prétendre dans leur région, tout en continuant à avoir leur vie sur place puisqu’ils étaient en déplacement », explique-t-il. Le recrutement chez Prunières s’est également adressé à des gens issus de quartiers franciliens, mais aussi, à travers l’association Emmaüs Défi, à une personne qui était sans domicile fixe. « Venant nous-mêmes d’une région rurale, nous voulions faire participer toutes les régions de France à la construction du Grand Paris », poursuit le Lozérien d’origine.


Les chantiers du Grand Paris ont été l’occasion pour les bâtisseurs de développer d’autres compétences qui dépassent leur cœur de métier. « Il faut prendre en compte le cadre des chantiers pour s’assurer qu’il y ait le moins de nuisances possibles pour les riverains et les piétons », indique Jérôme Martres. Ainsi, Eiffage explique avoir déployé des responsables communication et concertation pour accompagner les chantiers. « Il faut vraiment travailler sur l’acceptabilité des chantiers », appuie Jérôme Martres, qui observe que « le bénéfice de l’infrastructure est mal appréhendé par les citoyens et [qu’]il faut qu’on arrive à s’insérer ».


Urbaniser de manière cohérente et durable


Bâtir le Grand Paris ne se résume pas au Grand Paris Express pour les entreprises de construction. D’autant que le projet de transport déploie avec ses 68 nouvelles gares autant de quartiers et de futurs lieux d’habitation. « Avec le GPE, nous avons créé un squelette formidable, maintenant il faut y créer la vie », déclare Hervé Di Rosa, pour qui « des travaux d’infra- structure de cette ampleur en Île-de-France, ça ne se fera plus ». Pour le directeur du développement de VINCI Construction, « ce qu’il reste à faire, c’est urbaniser de manière cohérente et durable les nouveaux territoires desservis ». Concernant les trans- ports des déblais issus de ces travaux gigantesques, Prunières estime encore avoir cinq années d’activité importante sur le Grand Paris. Selon son dirigeant, le GPE a été « un accélérateur » et « a initié une dynamique chez Prunières qui nous a permis ensuite un développement national ».


Les effectifs seront redéployés sur d’autres chantiers en France. Eiffage et Prunières TP sont notamment engagés sur le chantier du prolongement du métro de Toulouse. VINCI Construction travaille également dans l’industrie et en particulier sur la construction d’usines de fabrication de batteries comme le projet En vision à Dunkerque et mise, tout comme Eiffage, sur la construction de réacteurs nucléaires. « On est très actif sur le GPE, mais il y aura toujours d’énormes chantiers dans le Grand Paris », nuance Jérôme Martres. Eiffage est par exemple positionné sur le projet de la Ville de Paris concernant la Compagnie de chauffage urbain. Les normes environnementales et l’objectif de zéro artificialisation nette des sols sont aussi des défis pour les bâtisseurs de la Région Capitale. Après de grands projets de logement, « on rentre dans le temps de la dentelle », explique Alexis Joly, président de l’entreprise spécialisée en réhabilitation et en surélévation SNERCT Construction.Avec ses 30 conducteurs de travaux, elle mène chaque année 15 chan-tiers de réhabilitation et de 3 à 6 projets de surélévation. Une solution pour permettre aux co-propriétés à Paris et en petite couronne d’isoler leurs logements tout en construisant des logements neufs.

Alexis Joly, président de SNERCT Construction.


La société réalise ses surélévations par exemple sur le patrimoine du bailleur social HSF. Des chantiers qui prennent entre 6 et 18 mois pour des réalisations avec des structures mixtes bois et métal. « Des micro- projets » par rapport au Grand Paris, comme l’admet Alexis Joly, mais tout autant essentiels au développement de la Région Capitale.


Sur l'avenue d'Ivry, SNERCT surélève de deux étages un immeuble du bailleur social parisien HSF.

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