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"Nous pouvons réussir l'union des territoires au bénéfice de la Nation et de notre pays"

Jeux olympiques et paralympiques (JOP), législatives surprises, crise du logement qui s’accentue... Thomas Hantz, président des Acteurs du Grand Paris, tire le bilan des événements majeurs qui ont marqué l’année et insiste sur l’importance de la complémentarité entre ruralité, villes moyennes, métropoles et Grand Paris.



Cette année 2024 a regorgé de défis pour le Grand Paris, à commencer par les Jeux olympiques et paralympiques. Quel regard portez-vous sur leur mise œuvre ?


Depuis le départ, le Grand Paris est un projet protéiforme, qui porte une vision d’aménagement, de transformation et de modernisation de la Région Capitale. Cette dynamique et ses forces intrinsèques, notamment la qualité des réseauxde transport, ont servi de point d’appui à la candidature olympique. La France a les JOP en ligne de mire depuis le début des années 2000, donc les Jeux ont toujours été en filigrane de l’élaboration du projet du Grand Paris.Les JOP ont été à la fois une ligne d’arrivée pour de nombreux projets, mais aussi un formidable succès, marqué par ce que je crois pouvoir nommer une véritable communion populaire. Rien que la cérémonie d’ouverture, regardée par 1,5 milliard de personnes à travers le monde, a illustré la capacité de notre nation à être ambitieuse, audacieuse, transgressive, élégante et diverse. Comme l’a écrit Jules Verne, « rien ne s’est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée » et cette ambition, quia triomphé à l’occasion des JOP, imprègne aussila vision d’origine du Grand Paris. La France a même montré qu’on ne pourrait plus faire une cérémonie comme avant, c’est-à-dire fermée dans un stade. C’est très français, cette capacité de prendre position et de changer la donne.


En quoi ces JOP illustrent-ils aussi la capacité du Grand Paris à innover et optimiser pourle rayonnement national ?


Avoir des JOP aussi ambitieux, grandioses et créatifs ne pouvait être que français.Pour la première fois dans l’histoire des JOP, un pays a tenu ses engagements budgétaires, grâce à la Solidéo et son directeur général Nicolas Ferrand, auquel nous avons remis le Grand Prix de la personnalité du Grand Paris de l’année 2024. Les équipements ont été livrés dans les délais, en respectant les coûts et la qualité exigés. Réinventer des sites et monuments historiques pour les employer en terrains olympiques a bien fonctionné, au pied de la tour Eiffel comme au château de Versailles ou au Grand Palais. Cette sobriété olympique à la française pour le réemploi créatif a aussi été appliquée à la Seine. Maltraitée pendant des siècles, après avoir perdu la quasi-totalité de sa biodiversité, elle a pu être nettoyée, assainie pour accueillir la cérémonie d’ouverture et des épreuves olympiques.C’est sans doute le plus bel héritage que cesJOP laisseront aux Franciliens : la résurrection de leur fleuve. C’est donc aussi une belle victoire environnementale : à partir d’une situation cataclysmique, toutes les collectivités ont pu faire équipe avec l’État et le Syndicat départemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) pour mettre en œuvre cet assainissement.


Dans quelle mesure les JOP ont-ils grandement participé au décloisonnement entre les univers public et privé, et surtout entre les territoires de la région, dont des quartiers longtemps délaissés ?


Je pense qu’il y a des images qui contribuent à « faire nation ». Enfant, j’ai été très marqué par celles du bicentenaire de la Révolution française de 1789, par exemple. Il en va de même pour ces JOP qui contribuent vivement à la fierté nationale, à souder les générations les unes aux autres. Ainsi, les Jeux décloisonnent-ils en ce qu’ils servent de dénominateur commun à tous les habitants du pays. Qu’importe son milieu social et professionnel, on est tous embarqués dans un même moment, une même vision qui fait nation. En parallèle de tout ce qu’il a fallu mettre en œuvre pour les JOP, rappelons que les travaux du Grand Paris Express ont continué. C’est le plus grand projet du monde occidental en termes d’infrastructures (38 milliards d’investissements pour la création de nouvelles lignes, auxquels s’ajoutent 20 milliards pour la modernisation des réseaux financés par la région Île-de-France et IDF Mobilités). Alors même que la France était déjà en train d’utiliser à haut régime les capacités de ses entreprises pour le Grand Paris, elle a eu la capacité de les mobiliser encore plus pour mener à bien et pour réussir les JOP.Quelle fierté et quelle carte de visite à l’export pour toute l’industrie française de la ville ! Il a fallu une symbiose parfaite entre la volonté politique et les capacités des entreprises pour réussir cet exploit ! Les externalités positives ne seront pas que sportives et économiques, mais aussi sociales, culturelles et environnementales. Les JOP et le Grand Paris sont de véritables points d’ancrage de la fierté nationale.


Plutôt que de faire concurrence aux travaux du Grand Paris, ces JOP ont donc permis de les consolider et d’unir encore plus ses habitants à travers un destin commun ?


Tant que le Grand Paris Express ne sera pas totalement mis en fonction, on ne mesurera pas pleinement les effets sociaux, économiques et environnementaux qu’il va produire.Le GPE est un nouveau réseau primitif de transport et, en tant que tel, servira d’ossatureau développement futur des territoires de la Région Capitale. Il va raccourcir les tempsde parcours et désenclaver des territoires non desservis, donc contribuer à l’amélioration dela vie quotidienne des habitants. Le GPE va soutenir le développement urbain et permettre le rééquilibrage des implantations, en rapprochant les emplois des lieux de vie. En tant que réseau primaire de transports, il contribuera à apaiser la ville grâce aux mobilités douces, vélo, marche, etc., qui viendront s’y greffer.Les JOP ont déjà permis de montrer combien l’Île-de-France est en fait un archipel de lieux de vie que l’on a intérêt à toujours plus connecter les uns aux autres. Il s’agit d’une multitude d’îlots d’une grande diversité, qui regorgent de richesses et que le GPE mettra tous en réseau les uns avec les autres.Cela illustre que le Grand Paris n’est pas justeune question de périmètre institutionnel, mais bien une puissante dynamique territoriale.



Cette année 2024 a aussi été celle des législatives surprises. Cela a-t-il eu un impact sur la vie de l’association qui se refuse à parler de politique politicienne ?


Depuis 2007, la France a connu trois présidents, quatre quinquennats, un nombre équivalent d’élections législatives. Le temps politique n’est pas celui des grands projets et notamment du Grand Paris, car cette vision a été posée avec une telle force au début des années 2000 par la totalité des acteurs que nous continuons d’être portés par cet élan qui nous entraîne. Le Grand Paris, comme tous les grands projets, nous dépasse tous ! Des détracteurs voudraient opposer le Grand Paris au « désert français », mais on démontre depuis des années que la puissance de la Région Capitale et la richesse qui y est créée profitent massivement à tout le pays. La métropole franci- lienne produit 32 % du PIB, mais n’en consomme que 24 %. Sur les 650 milliards de PIB produits ici, plus de 110 milliards sont redistribués dans les régions françaises.


Les territoires doivent donc coopérer, s’unir et non s’opposer ?


Notre chère France est trop petite d’un point de vue géographique pour se permettre le luxe de s’opposer les uns aux autres, alors qu’à l’échelle du monde, nous ne formons qu’un confetti. Ruralité, villes moyennes, métropoles et Grand Paris doivent jouer en équipe pour faire gagner la France. L’esprit olympique qui nous a tant animés exige que l’on joue collectif, que l’on s’appuie sur les forces de chaque strate, sur la richesse de chaque territoire. Il faut conjuguer ville et ruralité, il faut concilier métropolisation et aménagement du territoire, il faut garantir des services publics accessibles et performants, que l’on soit « des villes ou des champs », comme l’écrivait La Fontaine, il faut avoir l’obsession de la réindustrialisation créatrice d’emplois et protectrice de l’environnement. L’avenir de notre indépendance, donc de notre souveraineté, passe inévitablement par notre capacité à réussir, tous ensemble, une coopération d’excellence entre tous les citoyens et tous les territoires. C’est dans la ruralité qu’on fait pousser ce qui fait de notre pays une terre de grande gastronomie ; dans une ville moyenne comme Auxerre, on pourra produire de l’hydrogène renouvelable nécessaire à un développement écologique ; ou encore c’est à Vendôme que Louis Vuitton installe des ateliers de 380 salariés qui fabriquent du luxe, principal levier de notre balance commerciale à l’étranger. Aubervilliers et Saint-Dizier ont jumelé leurs opérations immobilières à travers un contrat de réciprocité qui illustre une fois de plus l’importance de la complémentarité. Ces projets sont portés par la volonté d’élus et les capacités d’entreprises ; ensemble public et privé, nous pouvons réussir l’union des territoires au bénéfice de la Nation et de notre pays.


Par ailleurs, quel bilan tirez-vous des derniers mois d’activité du club Acteurs du Grand Paris ?


En tant qu’association indépendante et neutre politiquement, qui fédère des élus et des entreprises engagés dans la transformation de la région Île-de-France, nous sommes en pleine croissance, car nous essayons d’être de plus en plus utiles en nous positionnant comme un tiers de confiance, un écosystème qui réunit des forces prêtes à réfléchir et travailler ensemble. En tant qu’espace de rencontres, de débats etde collaborations, nous sommes de plus en plus reconnus par des entreprises et des collectivités locales qui nous rejoignent, dont toujours plus d’élus, en témoigne l’immense succès de notre Grand dîner des maires de juin, qui a réuni plus de 70 maires d’Île-de-France. Beaucoup de membres nous rapportent que notre association leur fait gagner du temps, qu’il s’agisse de l’identification des acteurs, mais également des enjeux, des solutions. Ils nous disent aussi qu’outre la qualité des débats, ils trouvent souvent des réponses à des questions qu’ils ne se posaient pas. Cette sérendipité est précieuse et nous donne toutes les raisons de croire à notre utilité pour de nombreuses années encore !


Comment l’association parvient-elle à renforcer la coopération entre public et privé en cette période extrêmement troublée économiquement, socialement et politiquement ?


Plus on est en période de crise, plus on aspire à se rassembler. L’association fédère des personnes qui ont besoin de challenger leurs objectifs, contraintes, solutions. Une entreprise ou une collectivité ne prospère qu’en étant pleinement connectée à son écosystème. Du local au global, notre association cultive cette mise en réseau de tous les acteurs.


Beaucoup d’acteurs de l’immobilier font partie de votre association et la conjoncture dece secteur est loin d’être favorable. En quoi la construction de l’immobilier neuf cristallise-t-elle beaucoup d’enjeux de cette crise ?


Le Covid, la guerre en Ukraine, l’inflation des coûts des matières premières, de l’énergie et de la main d’œuvre sont les principaux paramètres de la crise que nous traversons. Ces éléments renforcent la crise du logement et de l’immobilier qui préexistait largement. Depuis 20 ans, nous savons qu’il manque des logements en France et surtout dans le Grand Paris, et que le parc immobilier est vétuste, en tout cas pas au niveau des enjeux de la performance environnementale attendue. La loi Grand Paris de 2011 veut que l’on construise 70 000 logements de plus par an pendant 20 ans pour tenir le rythme. Or, nous faisons face à un problème structurel de raretédu foncier, de complexité réglementaire, de manque d’impulsion politique et de cherté de la construction. À ce souci d’offre s’ajoute désormais celui de la demande puisque ceux qui accèdent aujourd’hui à un logement ont perdu 30 % de pouvoir d’achat face à l’augmentation des taux. Beaucoup de foyers ont renoncé à leur projet d’acquisition. Ce manque de politique globale, cohérente, puissante et ambitieuse en faveur du logement frappe surtout les plus vulnérables. De fait, 1 350 000 personnes sont mal logées actuellement en Île-de-France et plus de 4 millions en France. Cela lèse surtout la population la plus fragile, maintenue dans des situations précaires, et cela impacte, comme toujours, les plus vulnérables, les jeunes, les femmes seules ou avec enfant(s), etc. À l’échelle du Grand Paris, cela signifie que le parcours résidentiel est aujourd’hui totalement bloqué, c’est dramatique !

Pire encore, le nombre de permis de construire continue de chuter à un rythme effrayant, ce qui complique la situation sociale déjà tendue dans les entreprises de l’immobilier, tous secteurs confondus. Côté tertiaire, le marché est, je crois qu’on peut le dire, à l’arrêt. Certaines prévisions annoncent 150 000 licenciements dans le secteur de la construction pour 2025. Comme tout cercle vicieux, cette crise pose aussi un problème aux finances publiques, car l’impact de l’arrêt de la machine immobilière est majeur sur les recettes des collectivités locales, notamment des départements qui voient leurs DMTO (droits de mutation à titre onéreux) fortement baisser. Et bien sûr, les finances de l’État sont durement amputées de recettes qui seraient bienvenues, notamment avec un manque à gagner colossal de TVA. Il y a urgence à enclencher un cercle vertueux en faveur du logement, c’est-à-dire à faire en sorte que l’État, les collectivités et les entreprises mettent ensemble en œuvre un plan Marshall pour le logement. C’est fondamental, car le logement fait partie intégrante du pacte républicain, au même titre que l’éducation, la culture ou encore la mobilité.


Le volet mobilités du Grand Paris a-t-il été plus épargné par la crise ?


Le Grand Paris Express est le premier projetde lutte contre le réchauffement climatique et de protection de l’environnement en France !Il va permettre de réduire les mobilités individuelles dans la région, contribuer à revaloriser le foncier et rapprocher les lieux de vie du cœur de la métropole. Ce premier volet, en termes de volume et d’externalités positives, avance à vitesse grand V. La ligne 14 a bien été livrée juste avant les JOP et ce sera au tour de la ligne 15 sud en 2025. Les calendriers sont donc tenus ! On aimerait toujours aller plus vite, mais chacun se donne au maximum, à commencer par la région Île-de-France avec Île-de-France Mobilités qui fait un travail remarquable sur

la modernisation des réseaux existants et les prolongements des lignes. Au quotidien, ces travaux semblent longs, mais à l’échelle de la vie d’une mégapole et de la capacité des entreprises, leur mise en œuvre est vraiment rapide.


Pourquoi et comment la densification urbaine doit-elle être pensée en fonction de la transition écologique ?


La grande idée du Grand Paris, c’est de rebâtirla ville sur la ville pour limiter l’étalement urbain, en étant économe en ressources, notamment foncières. Partant, la densité est très favorable en matière de protection de l’environnement et de lutte contre le dérèglement climatique. L’enjeu, c’est de réussir une densité humaine, qui fasse la part belle à la qualité de vie, à l’accessibilité des aménités de l’aire urbaine et aux mixités, qu’elles soient fonctionnelles, d’usage ou sociales.


Pour en revenir à l’association, parvient-elle à continuer de grandir sans perdre en convivialité ?


L’ADN de notre association, c’est la convivialité, la sincérité, l’humanité et la bienveillance.

Nous y accordons une importance décisive. Chaque membre apporte son savoir-faire et l’association s’occupe de créer les conditions du partage afin que l’on puisse s’exprimer, échanger, débattre et s’entraider. La convivialité, c’est l’une des conditions de notre succès, car c’est cette ambiance humaine et chaleureuse qui donne aux membres envie de venir et revenir. Certes, nous avons des activités commerciales qui permettent à notre structure de bénéficier de ressources financières, mais nous sommes d’abord et avant tout une association. Grâce à ces ressources, nous pouvons créer des événements de qualité, dédiés au partage. De nombreux moments marquants ont jalonné l’année de nos membres, comme la soirée d’hiver, le cocktail estival, tous les dîners-débats qui nous permettent de recevoir des experts et des personnalités, les apéritifs grands-parisiens que nous organisons dans notre local ou encore les visites de territoires.Tous ces événements d’ampleur variée nourrissent cet esprit de convivialité, la vie des idées et l’entraide concrète et nécessaire au sein de l’association.



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