JEAN-PHILIPPE DUGOIN-CLÉMENT DRESSE LE BILAN ET LES PERSPECTIVES DE L’ACTION DE VALÉRIE PÉCRESSE. LE VICE-PRÉSIDENT DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE CHARGÉ DU LOGEMENT, DE L’AMÉNAGEMENT DURABLE DU TERRITOIRE ET DU SDRIF ENVIRONNEMENTAL LIVRE ÉGALEMENT SES CONVICTIONS SUR L’AMÉNAGEMENT FRANCILIEN À L’HEURE DU ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE ET SUR LA DIFFÉRENCIATION TERRITORIALE QU’IL APPELLE DE SES VŒUX AU PLAN INSTITUTIONNEL.
PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES PAQUIER
Quel est, selon vous, le bilan de la mandature de Valérie Pécresse, qui vient de s’achever au conseil régional d’île-de-France ?
Nous avons remis la Région en ordre de marche, en capacité de pouvoir investir et se développer. Rappelons que l’île-de-France est la seule région qui a réduit ses dépenses de fonctionnement, se redonnant des marges de manœuvre pour pouvoir investir. Nous avons d’ailleurs
investi de manière extrêmement forte au cours des derniers mois dans le soutien à l’activité économique et en direction des personnes en situation de fragilité. Je pense notamment aux étudiants ou aux professionnels de santé. Citons également une mobilisation extrêmement soutenue dans le domaine des transports, avec un plan pluriannuel d’investissement colossal, que l’on a appelé « la révolution des transports ». Nous avons modernisé les rames, rénové les infrastructures. Pensez que certaines caténaires n’avaient pas été rénovées depuis 1920 !
Quels ont été les autres domaines dans lesquels vous avez investi ?
Nous avons mené, par ailleurs, un plan pluriannuel d’investissement pour les lycées, d’ampleur inédite là aussi, et investi également massivement en faveur de la transition écologique.
Un euro sur deux dépensé par la Région l’est en faveur de l’écologie, que ce soit dans le domaine des transports, de la rénovation énergétique des lycées, de notre politique en matière d’énergie, en faveur de la biodiversité, de l’économie circulaire ou de la gestion des déchets. Globalement, il s’est agi d’accompagner la transition d’une région métropole qui a des spécificités très fortes. L’Île-de-France est la seule région française qui comprend une métropole de taille mondiale, avec plus de 10 millions d’habitants. Nous avons à faire face à une croissance démographique permanente.
Avec quelles conséquences ?
Une telle croissance démographique suppose de conserver et développer de l’activité pour offrir des emplois, cela induit des problématiques d’aménagement et de logement extrêmement complexes. Tendre vers le Zéro artificialisation nette des sols, dans une région dont la population croît, conduit à repenser nos normes et nos stratégies en matière d’aménagement ou d’urbanisme, de travailler à la transformation de friches. Tout ce que nous avons enclenché lors de la précédente mandature, nous allons le pousser encore plus loin durant ce mandat.
Avec un objectif : être la Région de l’action concrète, dans une logique de résultats plus que de proclamation d’objectifs inatteignables ou non tenus. Nous souhaitons, par ailleurs, nous inscrire toujours plus dans une logique de coopération plutôt que de contrainte. Avec les collectivités, les associations, toutes les institutions infra-régionales. C’est là une ligne de rupture très forte que l’on peut avoir avec un certain nombre de responsables politiques du passé.
Quelles sont, selon vous, les grandes lignes du mandat qui s’ouvre ?
Nous voulons une Région solidaire. Il faut garder à l’esprit que l’île-de-France est une région riche, mais aussi la région métropolitaine qui rassemble, aux deux extrémités de l’échelle, les quartiers les plus riches et les plus pauvres. Or la pandémie touche en priorité les plus fragiles. La Région, dans le cadre du Fonds Résilience, que l’on a enclenché pour éviter les faillites d’entreprises qui n’étaient pas éligibles au prêt garanti par l’état, ne demandera pas à être remboursée par les bénéficiaires de cette aide. Nous allons par ailleurs multiplier les constructions de logements à l’intention des étudiants ou des jeunes travailleurs.
Pourquoi insistez-vous sur l’écologie ?
Nous allons poursuivre en effet l’effort que nous portons en matière de transition écologique, au travers de nos politiques environnementales et énergétiques, ou au travers de nos politiques en matière d’aménagement. Nous voulons bâtir, dans le cadre de sa révision, qui débute cet automne, un Schéma directeur de la région île-de-France environnemental, un Sdrif-E.
Il s’agit d’un acte majeur, d’une co-construction entre l’état et la Région qui pose l’intégralité du cadre de l’aménagement au sein de la Région-Métropole. Notre objectif est que ce document ne soit plus seulement un document d’urbanisme, mais aussi un document qui prenne en compte l’ensemble des axes de protection du cadre de vie, de l’environnement des Franciliens.
Comment le Sdrif-E va-t-il s’articuler avec les autres documents d’urbanisme programmatique ?
Tous les plans locaux d’urbanisme intercommunal (PLUI), de même que les schémas de cohérence territoriale (SCoT) doivent se conformer au Sdrif-E. Il constitue la pointe de la pyramide. C’est le cadre général. Il va débuter par une phase de consultation, d’enquête. C’est pour moi un document de travail que l’on doit co-construire dans le cadre d’une concertation extrêmement large et poussée, avec l’ensemble des acteurs, institutionnels, associatifs ou économiques franciliens. Avec une double logique, qui constitue toute la gageure francilienne :
permettre à 50 000 personnes supplémentaires de se loger chaque année, tout en procédant à la transition environnementale. Selon les projections, on estime que la population de l’Île-de-France va croître de 800 000 à 1 million d’habitants d’ici à 2030. Si nous n’agissons pas, c’est autant de personnes qui vivront dans des logements insalubres, dans des conditions effroyables de suroccupation, avec des prix de plus en plus élevés, compte tenu d’une surtension du marché.
Comment comptez-vous atteindre le Zéro artificialisation nette des sols ?
Le Sdrif de 2013 autorisait 1 300 ha de consommation de terres naturelles chaque année. Ces dernières années, moins de 600 ha ont été artificialisés en Île-de-France. Autrement dit, nous avons réussi à réduire par plus d’un facteur 2 cette consommation. L’objectif est désormais d’aller vers le Zéro artificialisation nette à l’horizon 2030. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura plus de projets, mais que nous devons mener un travail majeur, porté avec l’ensemble des collectivités et des institutions franciliennes sur la réutilisation systématique des friches. Cela veut dire que nous devons accompagner un effort de densification, travailler sur la reconversion et la mutabilité d’un certain nombre de fonciers. Je pense notamment à certains immeubles tertiaires, qui ne correspondent plus aux besoins, à des fonciers commerciaux. Nous devons passer d’une logique d’extension urbaine à une logique de reconstruction de la ville sur elle-même. On ne pourra le faire sans les maires ou les présidents d’agglomération, autrement dit sans le bloc communal.
Quel doit être selon vous un nouvel acte de décentralisation en Île-de-France ?
L’Île-de-France est administrativement la Région la plus complexe de France. Avec un enchevêtrement de structures. Je pense qu’il faut aller vers une simplification, que l’on redonne de la lisibilité, que l’on réduise le nombre d’échelons. Cela ne peut être enclenché que durant le début du mandat présidentiel. Il faudrait que l’on arrive à un véritable régime de différenciation territoriale. Les besoins de l’Île-de-France ne sont pas forcément ceux de la Corse ou de la Bretagne. La réalité de la petite couronne n’est pas forcément celle de la grande. Il faut aboutir à une décentralisation potentiellement à la carte, avec une évolutivité des compétences des différents échelons. D’une manière générale, l’état doit se recentrer sur ses compétences régaliennes, sur ses missions de contrôle. Mais il doit lâcher la bride aux collectivités.
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