Réindustrialiser la France en général et l’Île-de-France en particulier part d’un double constat louable : retrouver une souveraineté dans certains secteurs d’activité et redonner de l’activité à des territoires qui ont subi de plein fouet les conséquences de la désindustrialisation menée dans les années 1980. Reste à trouver la bonne formule pour respecter à la fois les objectifs de décarbonation et du zéro artificialisation nette.
Par Fabienne Proux.
« La désindustrialisation qui nous frappe depuis 30 ans est une catastrophe sociale, car nous avons besoin d’emplois industriels, mais également environnementale, car un bien produit localement émet bien moins qu’un autre produit au charbon et transporté depuis l’autre bout du monde », a déclaré Valérie Pécresse lors du lancement de la COP Île-de-France le 3 avril 2024 au ministère de la Transition écologique. « Notre devoir est de réindustrialiser la région et de faire en sorte que cette industrie soit verte et vertueuse. Des sites autrefois très émetteurs se reconvertissent et nous devons encourager ce mouvement », a poursuivi la présidente de la région Île-de-France, très engagée dans ce domaine.
Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, lors du lancement de la COP régionale en avril 2024.
Si la Région Capitale compte montrer la voie du sursaut en la matière, elle entend le faire en misant sur une industrie choisie, innovante et décarbonée tout en restant compétitive. Alors que le Sdrif-e (Schéma directeur de la région Île-de-France environnemental) prévoit la sanctuarisation de 30 000 hectares dédiés à l’activité économique dont 54 % consacrés à l’industrie, 145 sites ont été identifiés dans la région pour un total de 1 500 hectares industrialisables, dont 550 disponibles avant 2025. Aussi, le Conseil régional a prévu d’investir 400 millions d’euros dans les cinq ans à venir et de créer un fonds souverain régional dédié au capital-investissement. Il allouera 65 millions d’euros au fonds « Île-de-France réindustrialisation » pour soutenir la pré-industrialisation de startups industrielles positionnées sur des technologies de rupture comme les nouvelles mobilités, le quantique ou la greentech, tandis que 150 millions d’euros seront accordés au fonds « Île-de-France décarbonation ».
Les projets se multiplient dans les territoires
Le premier prendra des participations minoritaires et investira entre 500 000 euros et 3 millions d’euros dans des entreprises œuvrant pour une industrie durable, décarbonée et/ou circulaire, et jusqu’à 9 millions d’euros pour les projets les plus stratégiques et ambitieux. Le deuxième vise à aider au développement des PME et des ETI de filières, telles que les mobilités, le bâtiment, la production ou le stockage d’énergies renouvelables. Enfin, 35 millions d’euros seront consacrés au fonds « Île-de-France InvESS », favorisant les entreprises à impact social ou environnemental qui se heurtent au manque d’investisseurs privés. Car pour se développer, la grande industrie a besoin de sous-traitants, d’où la nécessité de soutenir également la création de plus petites entreprises, voire d’artisanat industriel et productif, dont l’avantage est de pouvoir s’implanter au plus près des lieux d’habitation, parfois même au cœur des villes, de manière à rapprocher habitat et travail pour limiter les déplacements. Le secteur est plutôt porteur puisque, selon une récente étude de la CMA d’Île-de- France et de la Banque des Territoires, l’Île-de-France compte 100 000 emplois dans 47 000 entreprises artisanales industrielles et productives dont le nombre est en constante progression (+22 % en Seine-et-Marne et + 18 % dans le Val-d’Oise entre 2019 et 2021, + 10 % à Paris).
Vue aérienne du site de Paris-Villaroche.
L’impact de la stratégie française de réindustrialisation commence à porter ses fruits puisque le taïwanais ProLogium, qui construit à Dunkerque une gigafactory de batteries céramiques au lithium, une nouvelle génération de batteries plus performantes pour véhicules électriques, a annoncé en mai dernier l’implantation de son premier centre de R&D hors Taïwan à Paris-Saclay (Essonne). Dans les territoires, les projets se multiplient. Grand-Orly Seine Bièvre (Val-de-Marne et Essonne), lauréat pour la seconde fois de l’appel à projets national Territoires d’indus- trie, prévoit de réindustrialiser quatre sites suite au départ de leurs exploitants. L’agglomération Grand Paris Sud (Essonne et Seine-et-Marne) porte aussi une initiative similaire dans le cadre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA), relatif à l’aménagement du site Paris-Villaroche (110 hectares), situé sur les communes de Montereau-sur-le-Jard et de Réau. « Il s’agit de renforcer la polarité existante autour de Safran pour constituer un site industriel stratégique de dimension nationale », précise Stéphane Raffalli, maire de Ris-Orangis et vice-président chargé notamment de l’Aménagement et des Grands projets. Au nord, le Val-d’Oise s’engage également dans la brèche. « Notre solution consiste à identifier des friches sur notre territoire susceptibles d’accueillir de nouvelles activités », a ainsi expliqué Jean-François Benon, directeur général du Comité d’expansion économique du Val-d’Oise (Ceevo), en mars dernier au Mipim. Des résultats sont déjà perceptibles puisque Dentressangle Immobilier Logistique crée un parc d’activités de 116 000 mètres carrés sur une friche de Renault à Éragny-sur-Oise.
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