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"Un pacte de confiance doit être rétabli entre l'État et les collectivités"

Vice-président du conseil régional d’Île-de-France chargé du logement et de l’aménagement durable du territoire, membre d’Acteurs du Grand Paris, Jean-Philippe Dugoin-Clément partage son analyse sur la conjoncture, alors que la révision du schéma directeur environnemental (SDRIF-E) de la région est toujours en cours.

Propos recueillis par Jacques Paquier.


Quel diagnostic général en matière d’aménagement dressez-vous pour le territoire francilien ?


L’Île-de-France est une région dont les dynamiques sont poussées mécaniquement par un développe- ment économique qui reste fort et une croissance démographique qui se poursuit. Le besoin d’aména- gement et de construction perdure. Or, depuis

les municipales de 2020, et encore plus depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, un retard se creuse. Au sein de la majorité régionale, nous considérons qu’il faut des mesures structurelles pour permettre une relance.


Depuis la parution en 2023 de votre livre, L’habitat fait le citoyen : le logement, entre crise sociale et crise environnementale (éditions de l’Aube), comment la situation du logement en Île-de-France a-t-elle évolué ?


Je suis inquiet avec ce qui a été fait sur le plan législatif et réglementaire. Je ne vois pas ce qui pourra permettre de relancer la production de logements d’ici à 2027. Un pacte de confiancedoit être rétabli entre l’État et les collectivités.

Premièrement, il faut aider les maires bâtisseurs en corrélant les recettes de fonctionnement des communes et leur évolution démographique. Deuxièmement, il faut permettre aux maires de diriger la politique d’attribution des logements sociaux. La nouvelle réglementation de gestion« en flux » des contingents de réservation de logements sociaux [en application de la loi de 2018 portant sur l’évolution du logement, de l’aménage- ment et du numérique (ELAN)] est une réforme malvenue qui fait l’exact inverse... C’est une quasi- spoliation du peu d’attributions que les communes avaient encore pour le logement social. L’État impose aux communes de porter une politique de logement pour atteindre un pourcentage minimum de logements sociaux, au travers de la loi « Solidarité et Renouvellement Urbain » (SRU), tout en leur refusant la possibilité de piloter la politique du peuplement. Quand on est maire, cela peut revenir dans certains cas à voir construire des logements qui bénéficient à des personnes qui n’habitent pas la commune, alors même que des demandes de ses habitants ne sont pas traitées. Troisièmement, là où il y a des maires bâtisseurs, l’État doit faire plus concernant ses politiques régaliennes, c’est-à-dire dans l’enseignement, la santé et la sécurité.


En zones d’éducation prioritaire par exemple, l’État a fait en sorte qu’il n’y ait pas plus de 12 élèves par classe. Pourtant, en zones rurales ou rurbaines, alors qu’il y a parfois plus de 30 élèves par classe, que les habitants ne trouvent plus de médecin traitant et que les forces de l’ordre sont en effectif insuffisant, il est difficile à un maire d’expliquer à ses administrés qu’il faut construire davantage. C’est incompréhensible.


Une « charge foncière verte » intégrée dans le budget des opérations d’aménagement est évoquée pour financer une renaturation des espaces. Qu’en pensez-vous ?


La loi Climat et Résilience de 2021, qui prévoit le ZAN, a été faite dans la précipitation et sans aucune étude d’impact préalable. Depuis, on assiste à une sorte de foire aux idées pour essayer de rattraper ce péché originel. Alors que la raréfaction du foncier va contribuer à son renchérissement, je me bats pour que son prix soit plafonné au moins en zones tendues. De même se pose la question de la mise en place de fiscalités différenciées en fonction des modes de construction, qu’ils soient vertueux ou non. Par exemple, la fiscalité est la même qu’une construction se fasse sur des champs en extension urbaine totale ou sur une friche industrielle polluée. C’est un non-sens.


Pourquoi le bail réel solidaire (BRS) a-t-il du malà trouver son public ?


Le BRS est un bon produit, mais c’est un produit de segment. Il est adapté aux zones très tendues, plutôt de petite couronne en Île-de-France. Il cible une tranche de ménages située juste en dessous de celle pouvant accéder à la propriété classique. Il y a aussi un enjeu de compréhension et d’appropriation, car ce dispositif est nouveau. Concernant les banques, certaines sont favorables aux BRS et d’autres sont beaucoup plus prudentes. Pour moi, ce dispositif ne résoudra pas à lui seul la crise du logement, qui implique de déployer tout un panel de solutions (BRS, logement locatif intermédiaire, logement classique...).


Quel est le calendrier du nouveau Sdrif-e et quelles en sont les grandes orientations ?


En raison de la situation politique nationale, le vote définitif du Sdrif-e a été décalé au 11 septembre 2024. Le document sera ensuite transmis par le préfet de région au Conseil d’État qui le validera pour qu’il puisse être signé par le ministre de tutelle. Le Sdrif-e devrait être opérationnel en janvier ou février 2025. Sur le fond, le Sdrif-e, c’est une Île-de-France qui marche sur ses deux jambes.Une jambe de la transition environnementale avec la décarbonation de l’économie, la mise en place du ZAN et le développement de l’économie circulaire. Une jambe du développement économique et social. Avec Valérie Pécresse, nous souhaitons que l’Île- de-France reste le moteur économique de l’Union européenne en sanctuarisant des zones dédiées à cet effet et en développant 800 hectares de nouveaux espaces industriels. Dans le même temps, il faut réparer les inégalités sociales. C’est pourquoi un objectif de 70 000 nouveaux logements par an, dont – ce qui n’avait jamais été fait – deux tiers de logements abordables, est créé.Plus globalement enfin, le Sdrif-e répond à une logique polycentrique. Nous travaillons pour affirmer et développer 27 centralités qui contribueront à l’attractivité et au rayonnement de la région métropole.

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